La simplicité du mouvement de la vie

Le DEVENIR dans le regard de la logothérapie

« Dans ce monde incertain, qu’allons-nous devenir ? »

Telle est une des principales questions que se posent de nombreuses personnes. Elles sont submergées d’informations anxiogènes. Elles fatiguent et leur force de vie vacille. Les plus fragiles présentent des signes de névrose et les peurs s’accumulent. Le découragement gagne la société. Une telle question démontre une perte de sens de la vie.

La logothérapie de Viktor Frankl offre une perspective fondée philosophiquement, qui renouvèle la vision de ce devenir et invite à une action exprimant le sens de la vie, dans les situation concrètes.

« Les potentialités de la vie ne sont pas n’importe quelles possibilités, mais doivent être vues à la lumière des significations et des valeurs. C’est seulement à un moment donné, très spécifiquement, que l’un des choix possibles qui s’offre à l’individu lui permet d’accomplir la nécessité de la véritable mission de sa vie. C’est dans ce contexte qu’apparait le défi que représente chaque situation de vie, en même temps que le défi de la prise de responsabilité. L’être humain doit faire un choix parmi la multitude des possibilités présentes : lesquelles sont condamnées au non-être et laquelle sera réalisée, et, par suite, sauvée pour l’éternité ? Les décisions ne sont pas seulement définitives, parce que les aspects véritablement transitoires de la vie ont autant de possibilités. Lorsque l’une d’elles est actualisée, telle l’est pour toujours et ne peut jamais être détruite. Ainsi l’être humain doit faire face à sa responsabilité, et l’assumer au regard de ces « pas dans le sable du temps ». Il doit décider, pour le bonheur ou le malheur, ce que sera le monument de son existence. »

V. Frankl, Retrouver le sens de sa vie, page 107

Le devenir procède de la tension entre ce qui est (Sein) et ce qui devrait être (SollSein) – et en amont,  pourrait être.

« En effet, si tout est à jamais conservé dans le passé, tout dépend aussi de e que à chaque moment de notre vie nous choisissons de « créer » en en faisant une partie du passé. Cette « création dans l’existence », dans le passé, est, en dernière analyse une création ex nihilo, tirée du vie de l’avenir.
C’est la raison pour laquelle tout est transitoire : tout est instable parce que tout prend son envol à partir de la vacuité de l’avenir et vient se loger dans la réalité du passé. C’est comme si tout était menacé par la peur du néant, et accourait du futur vers le passé, pour advenir à l’existence, en provoquant un afflux dans l’étroit passage du présent. Là, tout se presse et se bouscule, en attendant la délivrance – soit un événement se dirigeant vers le passé, ou un moment de vie ou l’une de nos décisions, admis par nous à entrer dans l’éternité ».

V. Frankl, Retrouver le sens de sa vie, page 107

Le futur accoure vers le présent avec toutes ses potentialités.

Avez-vous senti ce vertige à un moment de votre vie ?

Le futur rencontre le moment présent et l’être humain découvre ses possibilités – objectives, car concrètes dans le monde où git le besoin du monde. Alors se pose la question du choix, car la finitude inhérente à l’existence humaine, inscrite dans le temps et l’espace lui impose de choisir une des possibilités et renoncer aux autres.

Cette possibilité qu’il choisît deviendra son avenir – son à-venir est son devenir ! Car le devenir est à venir !

Et cela sera quand il aura choisi une possibilité et l’aura actualisée, c’est-à-dire réalisée. Son choix procède de son intention. Cette actualisation se fera, soit pour soi-même, ou bien « en regard de la signification et des valeurs ». C’est alors que l’être humain trouve le sens de sa « véritable mission de vie ».

Avez-vous senti, trouvé quelle est votre mission de vie ?

Le choix peut être une auto-actualisation, un développement de soi pour soi, ou /et une auto transcendance, « un éloignement de ses intérêts égoïstes et une orientation vers l’autre ou plus grand que soi », un développement de soi, pour servir une cause plus grande que soi et qui honore la vie. 

C’est ainsi que l’être humain construit ce qui sera son devenir, « le monument de sa vie ». Il y est invité, par sa volonté de sens.

Dans quelle expérience de la vie avons-nous senti cette
tension vers un accomplissement qui satisfasse notre
volonté de sens ?

L’actualisation d’une possibilité en faveur de l’environnement, conçu comme le devenir de la planète et de l’humanité est-il un moyen d’autoactualisation ou/et un devenir à servir ou au contraire à asservir ?

En « élargissant le spectre des valeurs » de l’individu, (mission confiée au logothérapeutes par Viktor Frankl), la logothérapie invite l’être humain à percevoir ses potentialités, ses ressources et ses talents, et les mettre au service d’une cause qui le dépasse. Prenant conscience qu’il fait partie de son monde, il peut choisir de servir le devenir de son monde et ainsi, de surcroit, s’actualiser. L’actualisation de soi est un effet et non une intention. Car l’intention de s’autoactualiser, déconnectée du devenir de l’humanité, ne pourra pas combler le vide existentiel dont la prise de conscience génère le désir d’auto actualisation. Ce sera seulement de l’ordre d’un manque à combler et non d’un accomplissement. L’accomplissement d’une œuvre humaine s’actualise « pour quoi », « en vue de quoi »

Quel est votre désir ? Comment sentez-vous votre
inclusion à votre monde ?

Quand le devenir est-il achevé ? Viktor Frankl répond « En tant qu’être fini, l’être humain ne peut jamais achever l’œuvre de sa vie ». Et pourtant, à l’instant de sa mort, il ne pourra plus agir pour réaliser son œuvre. L’œuvre d’un être humain restera-t-elle essentiellement inachevée ? Ou s’achèvera-t-elle alors au-delà de lui ? Donc de par l’intention de qui ? De ceux qui poursuivront l’œuvre ou s’en inspireront pour leur propre œuvre ? Au service de qui ou quoi seront-il ? N’est-ce pas au service de plus grand que soi, donc de la Vie ? Frankl nous invite à choisir notre action en vertu des significations et des valeurs » qui sont le chemin du sens. Ce serait donc cela, servir l’intention de la Vie.  C’est alors cela que Viktor Frankl nous indique quand il nous enjoint d’écouter la question que la vie nous pose dans notre situation existentielle et d’apporter une réponse dont nous prenons la responsabilité devant la Vie.

Se sentir « en devenir » ouvre à la perception de nouvelles possibilités contenues dans la situation existentielle.

Entendez-vous la question que la vie vous pose dans
votre situation concrète ?

Les conséquences thérapeutiques de cette exploration du devenir peuvent être mises en œuvre dans le traitement des névroses noogènes. Également dans le processus de biographie thérapeutique. De même dans le choix d’un nouveau projet de vie personnel ou professionnel ou le traitement d’un problème existentiel. En quelque sorte dans toutes situations individuelles ou collectives où un choix s’impose, – dans toutes les situations de la vie, car elles portent toutes une signification.

Que vous inspire cette réflexion ? Dialoguons.

Le devenir pose la question de l’être. L’être en devenir. N’apparait-il que quand je prends conscience que je suis vivant dans l’instant présent ? 

Explorer cette question et ses conséquences dans la thérapie et dans la vie quotidienne demande une poursuite de notre recherche.

Valentin Husser 17 juillet 2023